« Pourquoi l’ont-ils laissé souffrir ? Il n’a pas cessé de dire et d’écrire qu’il savait qu’il allait mourir et qu’il acceptait… » Habitante d’Inzinzac-Lochrist, dans le Morbihan, Josiane Calvez vient de perdre son mari d’un cancer de la prostate. « Il a été malade pendant sept ans, mais dès l’annonce de son cancer, déjà généralisé, le médecin lui avait dit qu’il était incurable. Nous avons beaucoup parlé de ses dernières volontés. »
Fruit de ces discussions, une lettre que Noël a adressée aux médecins qui le suivaient. « Je ne veux pas de prolongation artificielle de ma vie, écrit-il. Je demande que l’on soulage mes souffrances, même si cela a pour effet secondaire d’abréger ma vie. »
Dans ce courrier rédigé mi-mai 2014, soit 18 mois avant son décès, l’instituteur à la retraite demande explicitement « une mort rapide et douce ». Son cancer l’a déjà beaucoup fait souffrir : « Outre des lésions osseuses très douloureuses, ses traitements ont provoqué de nombreux effets secondaires, hémorragies importantes, nécrose et même fracture de la mâchoire… »
« Rien ne s’est passé comme prévu »
Début novembre 2015, Noël Calvez commence à perdre l’équilibre et affiche des yeux hagards. II est hospitalisé en urgence à Lorient. « Et là, rien ne s’est passé comme prévu. Sa lettre et nos demandes n’y ont rien changé : ses souffrances n’ont pas suffisamment été prises en compte, malgré l’intervention des soins palliatifs », accuse son épouse.
Noël Calvez s’est finalement éteint chez lui, après trois semaines de souffrances qui, selon son Josiane, auraient pu être abrégées. « Lui-même disait aux médecins qu’il souffrait le martyre, en vain. Il voulait partir : il refusait même de manger, de prendre ses médicaments… »
Pourtant, depuis dix ans, la loi Leonetti permet au patient de demander, dans un cadre défini, l’arrêt d’un traitement médical trop lourd. « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. »
« Le médecin reste responsable »
Il y a la théorie et la pratique… « La prise en charge de la douleur ne semble pas avoir été suffisante, admet la commission des relations avec les usagers du centre hospitalier de Bretagne-Sud de Lorient, en réponse à la réclamation de Josiane Calvez. Les directives anticipées doivent être prises en compte par le praticien, mais le médecin reste responsable de ses prescriptions et n’est pas toujours en mesure de répondre à la demande de son patient. »
Quatre mois après le décès de son mari, Josiane ne décolère pas. Elle attendait un blâme pour la dizaine de professionnels de santé qui ont suivi son mari « sans suivre ses dernières volontés ».
« Je l’ai demandé, lors d’un rendez-vous à l’ordre des médecins, mais ce n’est soi-disant pas dans ses prérogatives. » Josiane, qui ne se sent pas la force de porter plainte, espère que son témoignage aidera d’autres familles à se battre pour le respect des directives anticipées des malades en fin de vie. « J’ai promis à Noël de continuer le combat pour, qu’enfin, la loi Leonetti soit appliquée. »
Pas d’acharnement thérapeutique. La loi Leonetti aborde le droit des malades et la fin de vie. Si ce texte de 2005 entend éviter l’euthanasie, il permet aussi d’empêcher l’acharnement thérapeutique qui est qualifié « d’obstination déraisonnable » dans les traitements mis en œuvre pour les malades en fin de vie. La loi permet, par exemple, de demander, dans un cadre défini, l’arrêt d’un traitement médical trop lourd. Comment alors exprimer cette volonté ? Par des directives qui auront été communiquées au corps médical de manière anticipée ou bien par le biais d’une personne de confiance. Par ailleurs, la loi Leonetti a aussi réclamé le développement des soins palliatifs, pour les malades sans espoir de guérison, afin de mieux tenir compte de leurs souffrances.